Voyager à Bali est un rêve, une destination exotique et culturelle très prisée par les touristes. En réfléchissant à notre périple avec mon ami, l'île de Bali est aussi apparue comme une évidence.
Comme ça a déjà été le cas pour d'autres pays touristiques, nous avons beaucoup réfléchi à la façon dont on allait visiter le lieu en question. Autant fuir les endroits bondés en sortant des circuits classiques. Pour ce faire j'ai tout simplement tapé deux mots-clé sur Google : "Bali" et "autrement". J'ai pu alors découvrir la collection de guides de voyage éditée par Viatao, une agence spécialisée dans le tourisme durable ainsi que l'agence de voyages Bali autrement, de son nom ! Leur objectif étant de s'écarter du tourisme de masse et de prendre part à des projets solidaires à travers des visites guidées personnalisées. C'est de cette façon que j'ai appris l'existence d'une bibliothèque en milieu rural montagnard à Bali. Un projet initié par l'association Déroutes et détours qui soutient la scolarisation dans le nord de l'île et qui promeut la lecture pour tous.
En approfondissant la recherche, j'ai découvert que cette association était dirigée par Franck Michel, un anthropologue et écrivain alsacien. Le voyage prenait tout son sens. Ma joie fût à son comble, tout était réuni : un projet de bibliothèque sur l'île de Bali ou comment allier mon domaine professionnel de bibliothécaire curieuse, ma passion de la culture locale et la rencontre avec un anthropologue alsacien. J'ai donc pris contact avec l'agence et avec Monsieur Michel pour avoir plus d'informations sur le projet et dans quelle mesure je pouvais apporter mon soutien.
L'agence m'a chaudement recommandé d'aller voir la bibliothèque et de rapporter des livres jeunesse en indonésien (mon choix s'est porté sur des classiques, des romans de Roald Dahl illustrés par Quentin Blake). Franck Michel a également répondu à ma demande et nous avons réussi à nous rencontrer pendant le mois passé à Bali.
Mon ami et moi avions choisi de passer du temps dans cette région du nord qui semblait, d'après mes lectures, être un espace en retrait, loin de la foule constante d'Ubud en particulier.
Ce fût la plus belle partie de note séjour. L'accueil des villageois y était chaleureux, la nature brute et peuplée de singes, de temples mystérieux plongés dans la brume et la végétation.
C'est donc dans ce village de Wanagiri que nous avons passé une semaine au ralenti, au rythme de la vie quotidienne d'une famille, avec la naissance d'un bébé et l'organisation d'une cérémonie, la préparation des offrandes, la confection artisanale du café, les clous de girofle qui sèchent au soleil, la fraîcheur des montagnes, la vue surplombant les lacs et la découverte de la fameuse bibliothèque.
Un lieu modeste indiqué depuis la route par un panneau en bois "Déroutes et détours", au premier étage d'une maison d'habitation.
Une petite cour à l'entrée permet de garer sa mobylette, le moyen de transport local par excellence. Nous sommes accueillis par un jeune homme, je comprends qu'il s'agit de Gede, le bibliothécaire de l'association. Il ne parle pas trop anglais mais on essaye de se comprendre tout de même, il me montre les rayonnages et les articles de presse depuis la création.
Après quelques photos et beaucoup de sourires nous partons avec beaucoup de questions restées en suspens. Quels sont les horaires d'ouverture ? Y aura-t-il quelqu'un demain si je reviens ? Qui fréquente la bibliothèque ? Comment le projet est-il mené ?
Franck Michel prendra peut-être le temps d'y répondre.
Deux semaines plus tard nous parvenons à nous rencontrer brièvement et on se donne rendez-vous en septembre deux mois plus tard pour approfondir le sujet. C'est donc à notre retour, d'où le délai dans la rédaction de cet article, que nous nous retrouvons dans un café strasbourgeois et qu'il me raconte tout le cheminement du projet.
Franck s'est installé à Bali en 2002. Il a emménagé à Wanagiri, un village du nord de l'île, à 1400m d'altitude. Une région rurale pauvre et délaissée des circuits touristiques.
La bibliothèque a ouvert ses portes en 2005, elle est gérée par l'association Déroutes et détours et la plateforme culturelle en ligne La Croisée des routes dont Franck Michel est à l'origine.
L'agence Bali Autrement apporte son soutien à la structure depuis plus de 10 ans en organisant des visites pour les touristes qui offrent des livres et font des dons à l'association.
La bibliothèque est gratuite et ouverte à tous, le but étant de favoriser l'accès à la lecture au plus grand nombre, à commencer par les jeunes, en proposant des ouvrages en tout genre allant des bandes dessinées aux manga, en passant par les romans internationaux et en valorisant les auteurs locaux autrefois censurés.
En effet, lire est un acte subversif et rebelle pour les ruraux qui ont vécu un régime autoritaire pendant plus de trente ans. Un gouvernement qui a écrasé la culture et emprisonné ou tué ses intellectuels.
Si aujourd'hui le pays connaît la démocratie, que des livres sont à nouveau édités, la "culture" du livre demeure inexistante et l'objet livre n'est pas respecté en tant que tel. Nous autres occidentaux vivons dans un environnement où les livres circulent, où il y en a toujours un peu partout. Ce n'est pas le cas en Indonésie. Le contexte historico-politique n'a pas encouragé cette pratique de lecture et le contexte social rend aussi les choses compliquées.
La vie est communautaire à Bali, de nombreuses personnes vivent dans la même pièce et il serait mal vu de s'isoler pour lire. Le fait en soi de se mettre à l'écart est incompris et se mettre à lire l'est d'autant plus qu'il s'agit pour les ruraux d'une perte de temps, un moment qui pourrait être rentabilisé en travaillant. Franck me racontait avoir vu une jeune fille lire debout sur le pas de la porte, ce qui lui permettait de rester disponible à toute demande, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur.
Vous l'aurez compris lire n'est pas donné à tout le monde et requiert de la volonté, du courage. Braves sont ceux ou celles qui osent s'adonner à la lecture, un loisir jugé inutile.
En terme de fréquentation, l'association compte environ cinq personnes par jour en 2015, la plupart sont des lectrices, d'environ 14 ans. Elle consultent sur place et empruntent.
Un lieu modeste indiqué depuis la route par un panneau en bois "Déroutes et détours", au premier étage d'une maison d'habitation.
Franck Michel prendra peut-être le temps d'y répondre.
Deux semaines plus tard nous parvenons à nous rencontrer brièvement et on se donne rendez-vous en septembre deux mois plus tard pour approfondir le sujet. C'est donc à notre retour, d'où le délai dans la rédaction de cet article, que nous nous retrouvons dans un café strasbourgeois et qu'il me raconte tout le cheminement du projet.
Franck s'est installé à Bali en 2002. Il a emménagé à Wanagiri, un village du nord de l'île, à 1400m d'altitude. Une région rurale pauvre et délaissée des circuits touristiques.
La bibliothèque a ouvert ses portes en 2005, elle est gérée par l'association Déroutes et détours et la plateforme culturelle en ligne La Croisée des routes dont Franck Michel est à l'origine.
L'agence Bali Autrement apporte son soutien à la structure depuis plus de 10 ans en organisant des visites pour les touristes qui offrent des livres et font des dons à l'association.
La bibliothèque est gratuite et ouverte à tous, le but étant de favoriser l'accès à la lecture au plus grand nombre, à commencer par les jeunes, en proposant des ouvrages en tout genre allant des bandes dessinées aux manga, en passant par les romans internationaux et en valorisant les auteurs locaux autrefois censurés.
En effet, lire est un acte subversif et rebelle pour les ruraux qui ont vécu un régime autoritaire pendant plus de trente ans. Un gouvernement qui a écrasé la culture et emprisonné ou tué ses intellectuels.
Si aujourd'hui le pays connaît la démocratie, que des livres sont à nouveau édités, la "culture" du livre demeure inexistante et l'objet livre n'est pas respecté en tant que tel. Nous autres occidentaux vivons dans un environnement où les livres circulent, où il y en a toujours un peu partout. Ce n'est pas le cas en Indonésie. Le contexte historico-politique n'a pas encouragé cette pratique de lecture et le contexte social rend aussi les choses compliquées.
La vie est communautaire à Bali, de nombreuses personnes vivent dans la même pièce et il serait mal vu de s'isoler pour lire. Le fait en soi de se mettre à l'écart est incompris et se mettre à lire l'est d'autant plus qu'il s'agit pour les ruraux d'une perte de temps, un moment qui pourrait être rentabilisé en travaillant. Franck me racontait avoir vu une jeune fille lire debout sur le pas de la porte, ce qui lui permettait de rester disponible à toute demande, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur.
Vous l'aurez compris lire n'est pas donné à tout le monde et requiert de la volonté, du courage. Braves sont ceux ou celles qui osent s'adonner à la lecture, un loisir jugé inutile.
En terme de fréquentation, l'association compte environ cinq personnes par jour en 2015, la plupart sont des lectrices, d'environ 14 ans. Elle consultent sur place et empruntent.
Il n'y a pas de logique de proximité, les voisins ne viendront pas mais des prêtres hindous viennent emprunter des livres sur l'Islam et certaines personnes dont des policiers ont déjà fait 20km pour venir emprunter, sachant qu'à Bali la route et longue, encombrée et sinueuse, il faut le vouloir pour arriver là-haut ! Le lieu se fait connaître par le bouche à oreille.
Si dans la plupart des lieux de lecture publique on trouve des horaires d'ouverture bien définis, à Wanagiri, il n'y en a pas, c'est ouvert tout le temps car il y a toujours quelqu'un pour vous ouvrir, exception faîte si c'est jour de cérémonie bien sûr !
Je me suis également et logiquement interrogée sur le partenariat avec les écoles mais il reste difficile de faire venir les enseignants qui considèrent encore pour la plupart que "les livres sont pour les Blancs"...
Franck compte désormais sur la démarche individuelle et sur les jeunes filles en particulier. Son objectif à petite échelle serait que trois filles par an au moins puissent avoir envie de faire des études.
En Indonésie, "lire pour tous" reste un défi à relever. Je souhaite un bel avenir à la bibliothèque de Wanagiri et si un jour vous êtes de passage à Bali, n'hésitez pas à passer faire un tour là-haut et à rapporter quelques livres, vous repartirez avec plein de sourires.
Pour approfondir le sujet et découvrir la littérature indonésienne je peux vous recommander la lecture de l'oeuvre de Pramoedya Ananta Toer surnommé "Pram". Il est le romancier indonésien contemporain le plus connu, emprisonné sous Suharto et mort aujourd'hui.
Andrea Hirata a écrit Les guerriers de l'arc-en-ciel ou l'exemple d'un livre "utile" en Indonésie dans un contexte où les livres coûtent l'équivalent de trois repas. Grâce à cet ouvrage une partie de l'école est aujourd'hui gratuite. L'histoire a été adaptée au cinéma et le film reste le plus visionné en Indonésie !
Il y a également la littérature féminine voire féministe qui a émergé suite à l'effondrement du régime, au courant des années 90. Ces femmes proposent une littérature contemporaine ancrée dans la société actuelle de consommation et de mondialisation. Ayu Utami est l'auteure la plus connue et son roman Saman qui traite de l'émancipation des femmes a été traduit en français et publié en 2008. Il est considéré comme son oeuvre la plus remarquable.
Si vous souhaiter aussi en savoir plus sur les évènements de 1965 en Indonésie je vous conseille le documentaire The Act of Killing de Joshua Oppenheimer sorti en 2012, des images qui dérangent et un film interdit en Indonésie...
Retrouvez également les publications de Franck Michel comme son dernier ouvrage sur Bali et plus d'informations sur le projet en suivant le lien suivant http://www.croiseedesroutes.com
La croisée des routes est un collectif dont je fais également désormais partie, n'hésitez pas à y faire un tour !
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